Piscia Rossa
Eté 1983
Mon avion se pose sur la piste de l’aéroport d’Ajaccio, Toussaint m’attend à la réception Hertz pour prendre mon auto, à l’immatriculation locale de 2A.
Brun aux yeux noir et fort caractère, je fais très ilien, loin de ressembler à un provincial, encore moins à celui de la capitale
Mon ami propose de prendre le petit déjeuner, chez un de ses amis qui tient un restaurant sur la route d’Afa
Des touristes sont attablés à l’entrée de l’établissement, le nez au dessus de leur tasse à café, l’endroit est calme à cet instant, il va se réchauffer celui d'après.
Nous prenons place à une table dans la salle intérieure, puis Toussaint se lève pour aller discuter avec le patron de l’établissement, un serveur prend ma commande, puis revient l’instant d’après avec café chaud, viennoiseries, beurre et confitures
Je trempe la tartine beurrée dans le chaud café, lorsque des cris se font entendre du fond de l’établissement, mon ami en ressort fortement énervé, passe devant moi en s’exclamant
« Bouges pas je reviens, une bricole à récupérer dans mon auto »
En fait de babiole, c’est son flingue qu’il tient en main, hurle à qui veut l’entendre qu’il va faire des trous d’aération dans ce restaurant, les touristes interloqués se lèvent, fuient et partent sans payer leur note, puis mon ami pénètre la cuisine.
Je m’attends à des tirs, hurlements et sangs pendant que je me ressers de ce délicieux café.
Éclats de rires en provenance de la salle aux fourneaux, les deux acolytes sortent en duo, s’approchent de ma table, le patron y dépose une bouteille de son meilleur vin, puis me tend un verre.
Un léger différent entre Toussaint, son ami le Maire d’un village à proximité, donne des sueurs froides aux touristes de passage
Le lendemain, plaines et landes se mettent à bruler
Les iliens, accusent les touristes allemands de mettre le feu avec leurs mégots
Les allemands sont pris pour cible, qui rapidement se transforme en coups de feu.
Plusieurs caravanes sont brulées en représailles. Véhicules stoppés en pleine nature, motos vandalisées.
Philippe, Christine arrivent avec un de leur ami, qui porte le même prénom que mon associé
Après leur installation, nous descendons sur la plage du golfe de Lava.
Spectacle de magie ce soir, à ne manquer sous aucun prétexte
Tout le monde sera de la fête, même si Christine est un peu fatiguée par le trajet effectué, 1200 kilomètres en moto ainsi que la traversée en bateau.
Belle nuit étoilée pour ce spectacle en fin de soirée
Nous installons notre tablée en face de la scène, un peu en retrait, pour laisser les artistes évoluer.
La malle magique, les cordes, les chaînes, tout y passe, pour le plus grand plaisir de tous.
Il est temps de remonter, Christine est en train de sombrer dans le sommeil.
Nous la laissons au campement, puis tous les trois nous repartons, pour aller danser, boire une ou plusieurs tournées et discuter.
Un endroit genre bodega, se trouve sur la route d’en bas ou de ses environs, il suffit de suivre les panneaux de signalisation
Nous roulons et trouvons le bon endroit
”Patron, pastis, whisky et bière”
Le serveur dépose les consommations, qui ont la triple taille, comme celle dans une discothèque
”Lorsque le vin est tiré, il faut le boire, prosit !”
La soirée s’anime, puis arrive Jean-Marc le fils de Toussaint
Surpris de sa présence, je l’interpelle
”La sanction est levée, ta grand-mère a donné son autorisation”
Il me répond qu’il s'en moque, il a fait le mur de sa maison, pour venir danser et s’amuser
Juliana sa sœur, débarque à son tour, passe un savon à son frère, qui ne veut pas rentrer à la maison
Nous laissons les enfants s'amuser, avant de consommer une dernière tournée
La fatigue me prend, le brouillard est tombé sur le chemin, doucement je remonte vers le village de Toussaint, même en pleins phares je ne vois rien
Puis un véhicule me fait face, en plein milieu de la route
”Hé chauffard ”
Je donne un coup de volant à droite pour éviter la collision
Le conducteur sort de son véhicule et fait chemin vers le notre, nous descendons pour aller à sa rencontre, il est bien agité celui-là, à crier au milieu de la nuit comme cela.
Il ne pensait pas faire de rencontre, à cette heure tardive de la nuit.
Pressé par l’horloge, il n’a pas aperçu nos phares dans cette purée de pois.
Il ne décolère pas, menace de nous faire subir le pal, si nous ne déguerpissons pas fissa de Piscia Rossa.
Je m'excuse pour les désagréments, lui propose de remettre cela demain lorsque nous aurons les idées plus claires, l’informe que nous sommes les invités de Toussaint Bonelli
A ce moment précis, il se calme, puis s’excuse de tout et part rejoindre son auto, comme effrayé par mon propos
Le lendemain au petit déjeuner, je sens l’ambiance pesante, Jean Marc s’est fait remonter les bretelles par sa grand-mère, je ne l’ai pas trahi, mais il ne me croit pas
Sur ce fait je me lève, rejoins mes amis motards, pour partir d’ici rapidement, visiter la Corse.
Arrivés à Bonifacio, nous cherchons un restaurant pour déjeuner, ensuite visites et balade en mer
Philippe a trouvé un lieu sympathique, qui propose des fruits de mer, gambas géantes à son menu
Nous buvons et rigolons, puis au moment du dessert, mon ami Toussaint fait son apparition, il nous souhaite bon appétit, vient excuser le comportement de son fils Jean-Marc, qui ne savait pas que sa sœur Juliana avait rapporté l’affaire à leur grand-mère
Je ne sais pas comment, Toussaint a fait pour nous retrouver si vite, sans lui donner notre destination, ni notre souhait de dégustation.
Le tam-tam fonctionne parfaitement sur son île de beauté
En remontant vers Bastia, mes amis et moi nous passons par de petits villages
Un arrêt carburant à l’entrée de Corte, je descends de mon auto immatriculée 2A, en short et chemisette blanche ouverte.
J’entre dans la boutique de la station, faisant aussi office d’épicerie multi services, des villageoises discutent entre elles, me regardent en souriant et reprennent de plus belle
”Allez jeune homme, passez devant moi, je suis occupée avec des amies”
Puis Philippe mon ami fait son entrée, ces dames stoppent net leurs propos, détaillent cet étrange apparition, short court, santiags aux pieds, t-shirt un peu troué, casque motard dans une main, franc sourire sur son visage.
Sa coiffure et son style font de l’effet
Poliment, il demande s’il peut régler sa note de carburant, me fait un clin d’œil, puis ressort.
Ces dames reprennent leur parlotte, en ajoutant sûrement l’irruption de mon ami dans leur vie